La dernière nuit de Charette
La dernière nuit de Charette en tant que "homme libre"
Récit de Monsieur Pierre Parois le 23 mars 1996 à la Pellerinière des Lucs, organisée par l'organisation Lucus avec le concours de Monsieur Marie, le propriétaire de La Pellerinière, Monsieur Gaillard président de l'association Lucus, Monsieur Dominique Rousseau, créateur de la stèle du souvenir avec Monsieur Claude Bossard.
Sont présents: MM de Charette et sa fille, Paul Bazin maire des Lucs, le curé des Lucs Raymond Gilbert, l'abbé Chantreau Président des Amis de Legé, le docteur Suard du Comité nantais de "célébration Charette 96", les "beucquots d'aux Lucs", groupe de danse vendéenne.
Le lieu de départ des évènements :
A la limite des Lucs et de Mormaison, proche de la rivière "la Boulogne" et du ruisseau "la rue" , la Pélerinière (ou Pellerinière) était un petit hameau isolé dont l'origine du nom viendrait de l'exploitation du lin : "Prélinière" venant de "pré au lin" puis Pélerinière.
En 1794, la première métairie de la Pellerinière était louée par Jean Pogu avec son épouse Marie Minaud, leurs quatre enfants et sa belle soeur Jeanne Minaud. Son frère René Pogu de Mormaison y avait laissé sa femme, Marie Mandin, pensant qu'elle serait en sécurité. Ils furent tous massacrés le 28 février 1794 : Jean Pogu, Marie Minaud son épouse, leurs enfants Marie, Magdelaine, Jean (5 ans), Pierre (22 mois), Marie Mandin, la femme de René et leur fille Marie (20 ans). Un autre frère de Jean Pogu, Pierre fut tué le même jour ainsi que sa femme Jeanne Minaud et leur fille Jeanne.
René Pogu, resté à Mormaison a survécu; son fils René, resté avec lui, aura une nombreuse descendance dont plusieurs familles des Lucs et de Mormaison à l'origine du travail de généalogie de la famille que nous remercions. Descendants également en ligne directe de René, nous trouvons MM Dominique Chabot, président de Beaufou Patrimoine et Jean-Bernard Piveteau, président de l'association Lucus des Lucs-sur-Boulogne.
L'autre métairie avait été donnée en métayage à Nicolas Delomeau en 1782 puis à sa mort en 1787 à son frère Jean Delomeau, sa femme Marie Guilbaud et leurs deux enfants ainsi qu'à Jeanne Guilbaud, veuve de Pierre Delomeau. Le 28 février 1794, les deux enfants de Jean Delomeau, Jeanne Guilbaud et trois de ses quatre enfants furent massacrés. Jean Delomeau, n'étant plus en état de continuer son travail, fit appel à son beau-frère Jean Fétiveau, époux de Marguerite Delomeau et leurs cinq enfants. Leurs descendances, comme les Pogu, sont nombreuses aux Lucs.
Ces épouvantables tragédies familiales comme tant d'autres aux Lucs et dans les paroisses de Vendée peuvent-elles nous laisser imaginer dans quelle détresse et chagrin insurmontables devaient se trouver les survivants ?
La situation en mars 1796
Charette est poursuivi par quatre colonnes républicaines qui tentent de l'encercler du côté de Rocheservière. Le 22 mars au soir, il leur échappe et arrive à la nuit tombante à la Pellerinière avec 35 hommes. Ils sont trempés car il pleut abondamment. Ils sont tous reçus par Jean Delomeau. Ils se sèchent à la cheminée, mangent un peu et se préparent à se coucher. Charette poste des sentinelles afin de surveiller le nord, côté les Gâts (au-dessus du côteau) vers Rocheservière et le sud, côté la Davière vers les Lucs.
Après une nuit très calme, vers 7h30 du matin, la sentinelle des Gâts signale une troupe venant de Rocheservière. Il faut repartir très rapidement mais pas vers les Lucs, c'est trop risqué et ils sont à découvert. Impossible de passer par le moulin de Gâtebourse sur la Boulogne car la rivière déborde. Charette a alors une idée: il va longer la Boulogne en partant vers les Gâts dans le bas du côteau. Les Bleus, eux arrivent au sommet du côteau et avec la végétation, ne distinguent pas ces 35 hommes qui se faufilent discrètement.
Arrivés assez rapidement à un passage à gué peu profond (une planche), Charette et sa troupe s'engagent non pas dans la Boulogne mais dans un ruisseau appelé "la Rue" qui indique la limite de Mormaison et des Lucs. Ils vont ainsi marcher tant bien que mal dans le lit du ruisseau pendant environ 900 mètres et toujours dissimulés. Ils décident de sortir du ruisseau et remonter vers le hameau de la Gélussière.
De la Gélussière, Charette et sa troupe se dirigent vers l'est sur environ 500 mètres puis redescendent dans le vallée de la Rue.