Contes et légendes
Autrefois lors des veillées, il était coutume de temps à autre d’évoquer quelques vieilles histoires à faire « dresser les cheveux sur la tête » et à donner la « chair de poule ». Il faut dire que les soirs d’hiver près de la cheminée, lorsque les flammes du foyer crépitent et dessinent des ombres étranges sur les murs de la pièce, tout est propice au mystère et à la magie…L’été, ce sont les nuits de pleine lune qui offrent leur lot de formes bizarres dans la nature et parfois des bruits inquiétants et inconnus qui résonnent dans la nuit. Quand le vent s’en mêle et s’engouffre sous la porte, faisant claquer les volets, sifflant par les moindres interstices, l’imagination peut alors s’envoler… A ce moment précis, il suffit d’un habile conteur pour créer alors un climat de terreur plus ou moins fort selon l’âge ou la sensibilité des auditeurs.
Nous allons essayer de vous faire découvrir un univers étrange, remontant aux époques les plus reculées de l’histoire où la légende et la réalité se confondent. Des êtres fantastiques, mi-hommes mi-bêtes, des fées ou des sorcières vont vous faire rêver ou hanter vos cauchemars…
Commençons par le bois de Malvergne situé à proximité de la Jarrie et de Lavaud : « On y voyait vers la moitié du 19e siècle un menhir muni d’un siège naturel sur lequel s’accroupissaient les loups-garous pour hurler plus à leur aise ; le filet d’eau qui prenait sa source au pied du mégalithe s’appelle la « Rouère1 de Pisse-loup ». Mais qui est donc ce loup-garou2 ? Et qu’est devenu ce menhir qui aurait disparu vers 1870 ?
D’après la plupart des légendes poitevines, le « garou » serait une personne qui a commis un crime, un vol ou encore le témoin d’une mauvaise action qu’il n’a pas voulu dénoncer. Il est condamné par le curé qui a lancé sur lui « le monitoire » : un avertissement donné deux ou trois fois lors de la grand’messe pendant le sermon. Si le coupable n’avoue pas, il est définitivement maudit et passera le reste de sa vie à errer la nuit sous la forme d’un loup. Parfois le loup-garou s’appelle « la garache » ou encore « la galipote », équivalent féminin de la bête qui prend alors l ‘apparence d’une chèvre, d’un mouton ou d’un chien noir…
Cette légende remonte fort loin et s’appuie sur un rituel qui consistait au XIIIe siècle, dans le diocèse de Luçon, à excommunier tous ceux qui étaient au courant d’un crime mais ne dénonçaient pas ce qu’ils savaient. Par extension au cours des siècles suivants, le curé « sermonnait » ceux qui cachaient des péchés en confession.
On disait aussi qu’au Petit-Luc, « Les trois tumulus étaient hantés la nuit par une « dame blanche » et que les filles récalcitrantes courraient le « garou » au terrier3 du Pé ( qui signifie hauteur) ». La dame blanche du Petit Luc a sans doute laissé sa place à la Vierge qui était vénérée en ces lieux depuis fort longtemps sous le nom de Notre Dame du Petit Luc quand la chapelle était une église…
On raconte qu'aux Lucs, une vilaine petite fée s'introduisant dans une maison, trouva une fillette au berceau et, l'emportant, la remplaça par une fée horriblement laide. Quand la pauvre mère s'aperçut de l'échange, fort triste, elle alla trouver le curé et lui conta son malheur : "ce soir avant de vous coucher, lui dit le pasteur, vous mettrez 13 oeufs sous la cendre et demain votre petite fille reprendra sa place". Le lendemain, en effet, à son réveil, la mère entendit son enfant l'appeler et elle en fut toute heureuse.
1-« Le ruisseau » en poitevin.
2-Le mot « garou » vient peut-être du latin Geralphus, employé au Moyen Age avec la même signification, et du francique garwalf puis garoul.
3-Le terrier serait probablement l’entrée du souterrain-refuge du Petit Luc.
D’autres lieux sont cités : « Au repas qui suivait le sabbat4, tenu tour à tour aux croisées Soreau et de la Durantière (carrefour disparu), il se faisait une grande consommation de chiens ; l’homme qui se laissait surprendre au milieu de la cohue des bêtes pharamines, ne se tirait de leurs mains qu’en laissant tomber de son gousset un deux liards marqué de la croix ».
« La bête pharamine » incarne toujours la terreur la plus absolue. Elle est d’autant plus effrayante qu’elle est très difficile à observer, et emprunte souvent des apparences changeantes et trompeuses. Elle surgit de nuit, noyée dans les ténèbres des forêts ou les brouillards des marais, et se signale avant tout par des bruits et des effleurements : avant même de la voir, on perçoit le souffle bestial qui s’échappe de sa gueule et le bruit mou et spongieux de ses pattes, et on ressent le contact ignoble de son corps velu.
Pour certains, elle possède plusieurs têtes aux yeux brillants comme des lampes, des crocs acérés comme des poignards, et son pelage blanc comme neige la fait passer pour un fantôme. D’ailleurs, celui qui cherche à lui donner un coup de bâton ne rencontrera que du vide.Elle peut changer de forme à volonté, prendre l’apparence de n’importe quel animal : loup, chien, mouton, cheval…
4-Réunion nocturne des sorciers et des sorcières.
Les êtres fantastiques ne sont pas tous maléfiques et nous rencontrons aussi aux Lucs les fadets et farfadets qui sont les petits équivalents des fées ; ce sont des sortes de petits génies qui nous rendent discrètement service tout en gardant de précieux trésors.
« Le fadet se montre sur les falaises de Villegué ( Vilgay) et à l’entrée du souterrain-refuge du Pé de la Bugelière. Les feux-follets font des zig-zags dans le Champ-Doulent (Champdolent). »
Les feux follets : ils apparaissent le plus souvent dans les marais, ou dans les cimetières. Serait-ce là un esprit revenu d’entre les Morts ? Un fantôme ? Non, loin de là. Et c’est pourtant le regard que portait les gens autrefois envers ce phénomène physique.
Le feu follet est une lueur pâle et diffuse qui peut être jaune, bleu ou rouge. Il vole dans l’air à peu de distance du sol. Un feu follet à généralement l’aspect d’une flamme vacillante terminée par une aigrette irrégulière qui rappelle vaguement la couronne d’une grenade. Il se montre de préférence en automne par un temps calme. Il disparaît lorsque l’on s’en approche et était traditionnellement prit pour un esprit malin ou une autre créature surnaturelle.
Scientifiquement, on pense que les feux follets sont un phénomène issu de l'oxydation du PH3 (phosphine) et du méthane venant de la décomposition de matières organiques et qui s'enflamme facilement près de torches. Ces matières organiques produisent des gaz qui peuvent s'enflammer au contact de l'air. Quand une bulle crève, elle donne une petite flamme dansante qu'on appelle un feu follet. Il y a libération de composés du phosphore,
qui s’enflamme instantanément.
C'est ce qui explique la naissance brusque de ces petites flammes dansantes et brèves, les feux-follets, qui frappèrent de tout temps l'imagination des gens, semblant le fait de forces surnaturelles.
Ce qui intrigue, c’est la présence de feu-follets dans les cimetières ; or le nom de Champdolent signifie champ de la douleur et serait lié à la présence de sépultures antiques ou de cadavres, résultats d’une bataille. Il existait aussi dans ces lieux un souterrain-refuge…
A propos des souterrains, signalons la légende d’une fée qui habitait le souterrain de la Giraudelière et qui venait aux veillées dans les métairies ; elle était la gardienne de la « Source Minérale » de la Giraudelière ( aujourd’hui disparue).
Enfin, rappelons l’histoire fantastique du Marchais-Bouin :
« A une époque très reculée, dont la date se perd dans la nuit des temps, vers le VIIe siècle, dit-on, des moines bénédictins de l’Abbaye de Talmont, essaimèrent de leur communauté et se dirigèrent vers le levant, s’arrêtèrent dans un endroit appelé « Les Lucs », une petite agglomération de quelques feux, très ancienne et située sur le bord fangeux d’un marécage, à l’intersection de plusieurs chemins, et où ils édifièrent leur monastère et l’église y attenant, laquelle devint par la suite, l’église paroissiale de Saint Pierre du Luc.
Ce marais formait une sorte de cuvette de plusieurs hectares que les moines asséchèrent en partie ainsi que toutes les terres labourables s’étendant entre le chemin dit du « Marché-Bouin5 » et le ruisseau d’assèchement du marécage, lequel traverse le bourg et va se jeter dans la Boulogne, au Chef du Pont, après avoir arrosé et fertilisé les prairies qui s’étalent dans le vallon boisé du Petit Luc.
La partie la plus profonde du marécage fut abandonnée à elle-même, et se comble aujourd’hui par les végétations nombreuses et variées qui croissent sur ses bords.
Ainsi, d’après la légende, le marais du Marché-Bouin représentait l’emplacement du monastère construit par les premiers moines, lesquels furent engloutis avec tous les bâtiments claustraux dans cette immense tourbière, à la suite d’évènements dont on n’explique aucune origine. Et le soir, à la veillée, quand tout le monde est groupé près du grand feu de la vaste cheminée, on raconte, en l’affirmant à qui veut l’entendre, que par les soirs d’hiver, dans les nuits glacées des mois noirs de fin d’année, le promeneur solitaire qui s’égare sur les bords de ce marais désolé et fangeux, entend le soir de la Toussaint, le tintement lugubre des pauvres cloches du monastère, au fond de la vasière, martelant les lamentations des moines disparus, chantant leur misère, de même qu’à Noël, elles ajoutent leurs sonneries joyeuses au gai carillon du clocher voisin.
Ce pauvre effet d’acoustique, si réellement il existe, est la cause de ces contes à faire dresser les cheveux de terreur. L’explication de ces choses effrayantes, n’est, ni plus ni moins, que la vibration de la belle sonnerie des cloches de l’église paroissiale voisine, venant s’éteindre dans les eaux glauques du vieux marais…
5- Le marchais-Bouin est une petite dépresssion marécageuse contenant de la tourbe.